Liste de 10+ pourquoi il ne faut pas balayer la nuit

1Au début de notre histoire, la gestion des ordures peut être qualifiée d’« autogérée » puisque les premiers humains, alors nomades, laissaient leurs détritus se détériorer. À la période de l’Antiquité, c’est la sédentarisation et l’édification des premières cités qui voient le jour, si bien que les déchets se multiplient et deviennent subséquemment problématiques (Lhuilier et Cochin, 1999). Au Moyen Âge, la concentration humaine dans les villes multiplie considérablement les quantités de déchets de toutes sortes : détritus alimentaires, excréments, eaux usées, boues. Malgré cela, les habitants des cités, davantage préoccupés par leur survie et ne croyant pas que les déchets puissent être une cause de pandémie, ne se soucient guère de l’insalubrité de leurs villes. Les monarques qui se succèdent essaient tant bien que mal de remettre de l’ordre, mais ils se heurtent aux mauvaises volontés des riverains et les villes seront insalubres pendant des siècles. Il faudra attendre le règne de Louis XIV pour que des réformes soient mises en œuvre. Mais peu d’individus ont conscience de ce qu’est réellement la propreté et le XVIIe siècle sera davantage une période d’apparences où il faut « faire propre » plutôt que de l’être réellement. Le Siècle des Lumières voit l’avènement de l’hygiénisme, courant pour ainsi dire nécessaire, car le XVIIIe siècle est aussi la période qui doit assimiler plus de déchets. Toutefois, en dépit d’une gestion des immondices plus sévère, à l’aune du XIXe siècle, les villes ne sont toujours pas salubres. Justement, ce siècle se termine sur de profonds changements qui feront évoluer durablement la collecte des ordures ménagères, leur traitement, de même que l’assainissement des villes. Ce siècle est sans nul doute celui qui améliorera le plus la salubrité des aires urbaines françaises.

2La Préhistoire est définie comme la période qui commença voici environ trois à cinq millions d’années avec l’apparition des premiers humains. Elle semble avoir couru jusque 3 000 ans avant notre ère, jusqu’à la genèse de l’écriture. Parce que cette époque a vu naître les premiers êtres humains, elle a aussi connu l’apparition de différents types de détritus produits par ces derniers. Ces déchets sont le reflet du mode de vie relativement sommaire de la Préhistoire. Les Hommes préhistoriques doivent se nourrir, se vêtir, et se défendre ; ils produisent donc des détritus tels que des silex cassés, des cendres de bois, des restes de nourriture, des armes devenues inutilisables, des excréments, etc. Néanmoins, ces détritus représentent des quantités infimes et leur gestion n’est alors que très peu problématique. Durant des siècles, ce sera le cas. Nos ancêtres ne se préoccupent pratiquement pas de l’élimination de leurs détritus ; ils les abandonnent dans leurs grottes quand bien même ils encombrent peu à peu leurs espaces de vie. Lorsque ces derniers en sont envahis, ils partent à la recherche de nouveaux abris (De Silguy, 1996).

3Vers 7 500 avant notre ère, les Hommes préhistoriques passent d’un état de prédateurs à producteurs, ils commencent à expérimenter l’élevage et l’agriculture. Progressivement, ils deviennent sédentaires. Ils doivent alors plus qu’autrefois se préoccuper et se débarrasser de leurs détritus qui envahissent leur lieu de vie dans lequel ils s’installent désormais durablement. Produisant encore peu de déchets, ils s’essaient à la pratique de l’enfouissement et laissent alors à la nature le soin de faire disparaître leurs restes. Ils commencent également à tester le compostage et le brûlage ou bien encore donnent leurs détritus en pâture aux cochons ou aux animaux de leur basse-cour (De Silguy, 1996). Ces techniques disparaîtront au fil du temps en raison du développement des agglomérations urbaines et d’autres pratiques seront inventées pour faire face à une gestion des déchets qui deviendra de plus en plus problématique.

4La période qui suit la Préhistoire est l’Antiquité, elle a vu l’apparition de l’écriture. Selon les civilisations étudiées, cette ère commença à des moments différents. Elle est néanmoins située approximativement au IVe millénaire avant Jésus Christ. Les villes antiques auraient été exemplaires en ce qui concerne le traitement de leurs ordures.

5Cyrille Harpet (1999) délivre quelques exemples de ces toutes premières gestions urbaines des déchets. Nous découvrons qu’à Çatal Höyük en Turquie au IVe millénaire avant notre ère, un aménagement spécifiquement urbain est construit et sert de dépotoir public. À Jérusalem, la vallée de Kidron est utilisée comme une décharge pour les ordures de la ville sainte ou bien encore en Égypte, les matières fécales sont transportées dans des amphores en argile (Harpet, 1999). Barbara Habenstreit (1973) présente Athènes comme la seule ville antique connaissant un niveau sanitaire déplorable. Effectivement, Athènes n’adopte un système d’évacuation des ordures qu’au Ve siècle avant J.C. (Habenstreit, 1973). Cela étant, il faut quand même souligner qu’à l’instar des Romains ou des Égyptiens, les Grecs de l’époque antique ont, selon Catherine De Silguy (1996) des habitudes de propreté. Ce sont eux, par exemple, qui, les premiers, se soucient véritablement de leurs ordures. Ils n’ont pas d’autre choix puisqu’ils sont des précurseurs dans la construction de cités très peuplées où les ordures posent forcément des problèmes de salubrité. Les Grecs mettent alors « en place un système d’enlèvement des ordures » (Gouilliard et Legendre, 2003, p. 11)essentiellement composées de reste alimentaires, de vieux vêtements et de débris de poterie. Les Romains, quant à eux, créent des fosses en dehors de la ville où les habitants déposent leurs ordures et les restes d’animaux sacrifiés. Ils peuvent aussi abandonner leurs rebuts dans des vases en terre cuite ou des récipients en pierre au pied des immeubles (Gouilliard et Legendre, 2003). Des « boueux », tels que les nomme Jean Rougé (1991), se chargent ensuite de vidanger ces récipients, en somme ils sont les ancêtres des éboueurs. Les paysans ont ensuite la possibilité de récupérer ces ordures qu’ils considèrent comme une manne ; ils les épandent sur leurs champs afin de les fertiliser.

7La période antique a fait des efforts afin de rendre salubres ces cités si bien que nous pourrions supposer que le Moyen Âge hérite de ces « bonnes manières » et de ces techniques pour poursuivre cette quête de propreté urbaine. Mais qu’en est-il en réalité ?

8Le Moyen Âge connaîtra un essor des déchets assez spectaculaire. Au début de cette période, les détritus ne posent aucun ou très peu de problèmes, ils sont encore peu nombreux dans les villes. Et dans les campagnes, « le résidu est matière fertilisante ou nourricière » (Lhuilier et Cochin, 1999, p. 19) : les déchets deviennent engrais ou sont mangés, en partie, par les cochons et les autres animaux domestiqués. « Intégré dans une économie rurale parcimonieuse, le reste fait retour dans le cycle écologique naturel » (Lhuilier et Cochin, 1999, p. 19). Cette situation ne dure pas. En effet, vers l’an 1 000, le commerce se développe attirant ceux qui vivent dans les campagnes et, conséquemment, la population des villes grossit, ce qui entraîne des problèmes sanitaires importants :

« Si des extraits de chroniques, des représentations iconographiques, des miniatures du Missel de Juvénal des Ursins, des Chroniques de Normandie, de la Vie de Saint Denis, n’avaient tendance à sublimer les rues, à les représenter pavées et luisantes de propreté, encadrées de maisons parfaitement alignées. La vision que nous allons donner des chaussées est plus proche des “cloactes infects” que des pavés presque point souillés de taches de boue… tout à fait unis, propres et nets que donne un certain Jean de Jandrun dans sa description de Senlis »(Leguay, 1999, p. 6).

9L’insalubrité de la ville moyenâgeuse est au reflet des noms de certaines rues, de certaines places des villes françaises telles que « ruelles Sale ou du Bourbier » de Rouen ou la « place Marcadal de Lourdes, dont le nom vient de Marcadaladosa ou quartier fangeux » (Leguay, 1999, p. 7). Les citadins ont rapidement lié les immondices aux odeurs et aux risques que ces amas d’ordures génèrent, ces associations se retrouvent dans le vocabulaire de l’époque, par exemple « vilenie et ordure » (Leguay, 1999, p. 8). Pourtant, un paradoxe existe puisqu’en dépit du lien fait entre immondices et risques, la gestion de la salubrité ne semble préoccuper personne. Les citadins se débarrassent de leurs détritus en les abandonnant dans un coin : la « saleté appelle en quelque sorte la saleté et il existe des lieux où l’on déverse les ordures de préférence : des espaces vides, par exemple les limites entre propriétés, des terrains vagues, des ruines, etc. » (Ballet et al., 2003, p. 129). En outre, les citadins doivent cohabiter avec des animaux ; les caprins, les ovins qui ne sont que de passage, les animaux errants, mais également les volailles ou les porcs qui sont élevés dans l’enceinte des villes. Ce phénomène heurte la vue, l’ouïe et l’hygiène et engendre des risques d’épidémies. Certains, inquiets et dérangés par cette présence, veulent voir disparaître ces animaux de l’enceinte des villes, mais cela est compliqué au regard des intérêts et […] des difficultés d’application surtout quand les détenteurs appartiennent à la haute société » (Leguay, 2002, p. 162). Par ailleurs, les porcs semblent être les seuls capables d’engloutir les immondices, ils jouent le rôle de nettoyeurs, d’éboueurs. Les paysans se réjouissent également de ces dépôts de déchets qu’ils récupèrent pour les transformer en engrais. La pollution des villes moyenâgeuses atteint également l’eau puisque, d’une part les « eaux résiduelles sont tout naturellement évacuées sur le pavé ou dans les rivières » (Leguay, 1999, p. 27) et, d’autre part, les habitants des cités jettent leurs déchets dans les rivières, quand bien même certains citadins boivent l’eau de la Seine.

10Comme pour la gestion des déchets, celle des excréments ne pose pas de problème dans les campagnes où les habitants sont moins nombreux qu’en ville. En revanche, les cités médiévales ne parviennent pas à les gérer efficacement. Des latrines publiques existent dans les villes, telles que Rouen, Amiens, Agen, mais elles sont trop peu nombreuses (Pernoud, 1981). Il semble d’ailleurs que ces installations aient quasiment disparu avec la chute de l’Empire romain. Par conséquent, les individus satisfont leurs besoins comme ils le peuvent. Dans certaines villes, des quartiers et des rues sont affectés à la défécation. Les moins aisés font leurs « besoins naturels à même le pavé » (Leguay, 1999, p. 16) ; les classes les plus riches défèquent dans leur jardin ou dans leurs latrines privés si leur maison en dispose ; c’est d’ailleurs un signe de richesse que de posséder ce confort au sein de sa propriété. Il semblerait que ce soit à Paris que se manifeste le confort maximal. Effectivement, « même des maisons d’artisans s’offrent le luxe de quatre sièges de latrines à chaque niveau d’habitation, reliés à des égouts » (Alexandre-Bidon et Lorcin, 2003, p. 131). Jean-Noël Biraben (1995) souligne quant à lui que les latrines privées sont des dispositifs communs au Moyen Âge : les maisons seraient presque toutes pourvues de w.-c. appelés « privés », « retraits » ou « longaignes ». Des latrines sont également à disposition des religieux et des rois, elles sont presque toujours présentes dans les monastères, dans les couvents et dans les châteaux féodaux. Les excréments se déversent, la plupart du temps, dans une fosse d’aisance, creusée dans la cave, à même le sol. On l’assainit de temps à autre avec la cendre de bois de la cheminée. Elle n’est curée que rarement lorsqu’elle déborde. Dès 1300, deux voiries, Montfaucon et Saint-Marcel, sont principalement affectées aux vidanges (Biraben, 1995). D’autres systèmes que les latrines sont testés au Moyen Âge. C’est le cas du puisard : il s’agit d’un trou de faible profondeur, les déjections s’infiltrent alors dans la terre. Les cours d’eau qui traversent les villes permettent également aux habitants de satisfaire leurs besoins naturels. Enfin, la coutume du « tout-à-la-rue » (Guerrand, 1985, p. 17) reste très utilisée : les citadins ne se gênent pas pour jeter par la fenêtre le contenu de leurs pots de chambre. Cette habitude contribue d’ailleurs à la formation d’une boue épaisse et immonde dans les rues des villes. Émile Zola (1992) dans son roman La Terre décrit parfaitement cette habitude médiévale : « Par la fenêtre ouverte, de l’ordure venait d’être jetée à pleine main. Une volée de merde ramassée au pied de la haie » (p. 190).

Les premières mesures de salubrité pour l’espace public

11L’image de la ville moyenâgeuse est une ville où la saleté règne partout, dans laquelle la puanteur est innommable et l’hygiène déplorable, ce qui offre un terrain propice à la prolifération des maladies. Dominique Lhuilier et Yann Cochin (1999) décrivent parfaitement cette situation :

« Les rues des villes médiévales, non pavées, étroites et tortueuses étaient jonchées d’eaux croupies, chargées de détritus, d’ordures ménagères faisant les délices des chiens et des porcs, et d’excréments humains et animaux. Dans la plupart des quartiers n’existaient ni latrines, ni fosses d’aisance et le “tout-à-la-rue” précédait le “tout-à-la-rivière”. Les rivières sont polluées et la qualité de l’eau est alors plus que médiocre. L’odeur des villes est terriblement nauséabonde » (p. 20).

12Cyrille Harpet (1999) indique que c’est uniquement lorsque le souverain est touché par la souillure qu’une série de mesures en faveur d’une gestion des ordures est promulguée : « Tant que le roi n’est point touché, la ville s’accommode de ses miasmes et excréta, de ses boues et immondices. Dès lors que la souillure vient entacher la parure souveraine et amoindrir son degré de “pureté”, il s’agit de faire de l’incident un événement, de l’événement une inauguration » (p. 215).

13En France, c’est Philippe Auguste, le premier roi qui, suite à un épisode anecdotique, veut régler le problème de l’amoncellement des ordures et des boues dans la capitale française : « Rigord, le chroniqueur de la cour, raconte qu’un jour de l’An de grâce 1184, le roi fut incommodé à la fenêtre de son palais, par la puanteur qu’exhalait la boue. Il fit alors mander le prévôt ainsi que les bourgeois et leur commanda le pavage de toutes les rues et voies de Paris » (De Silguy, 1996, p. 19). Paver les rues apparaît alors comme une nécessité tant sociale qu’économique. Ces pavés doivent permettre de lutter contre les nuisances engendrées par le développement des villes. Il est nécessaire de protéger la voirie, de la rendre plus accessible aux riverains, de « faciliter le passage des animaux de bât et des véhicules hippomobiles de toute dimension » (Leguay, 1999, p. 79). Mais il faut également rendre la ville plus jolie. Philippe Auguste ordonne également la création de canaux et de fossés centraux pour désencombrer certains quartiers. « De cette première manifestation du pouvoir central à l’encontre de l’immondice naquit le “carreau du roi”, les deux seules artères principales qui furent pavées » (Gouilliard et Legendre, 2003, p. 13). Cette action est la première d’« une longue série de décisions et d’arrêtés royaux qui ne se concrétiseront pas ou peu » (Gouilliard et Legendre, 2003, p. 13). Au fil du temps et des rois, les riverains, principalement soucieux de leur survie alimentaire, sont contraints de devenir plus respectueux de leur environnement ; ils doivent « enlever les boues et immondices des chaussées » (De Silguy, 1996, p. 19), déposer leurs ordures à l’extérieur de la ville. Mais les citadins se lassent de ces nouvelles règles et cessent de se charger de ce qu’ils considèrent ne pas être de leur ressort. En 1343, Charles V commande de construire des fossés couverts où chaque habitant doit venir déverser ses immondices. Ces réceptacles sont alors censés couvrir les odeurs qui sont devenues insupportables dans les villes. Georges Vigarello (1985) met en évidence que ces réformes, ou plutôt ces tentatives de réformes sont davantage un souci de désencombrement que de nettoyage. Sans doute, les dirigeants de l’époque veulent aller à l’essentiel et s’inquiètent avant tout de limiter l’amoncellement des ordures dans les villes médiévales plus que de laver leurs rues à grandes eaux. Mais ces évacuations d’ordures sont rendues difficiles par l’absence de pavés sur les chaussées et l’étroitesse des rues. Les habitants sont alors enrôlés dans cette tâche. Cependant, ils ne jouent pas le jeu et continuent de déverser leurs ordures où ils en ont envie : ils refusent de faire le travail de ceux que l’on n’appelle pas encore éboueurs.

Une insalubrité aux conséquences dramatiques

Une succession de réformes sans effet sur la salubrité des villes

16Louis XII décide en 1506 « que la royauté se chargerait désormais du ramassage des immondices de la capitale et de leur évacuation. Le début de la Renaissance est donc marqué par la création d’un service d’enlèvement des boues, financé quelques années plus tard par le produit d’un impôt spécial » (De Silguy, 1996, p. 23). Les citadins ne sont alors plus contraints de se charger de leurs ordures, d’autres – les boueux – s’occupent de les faire disparaitre du « paysage » urbain. Néanmoins, les habitants n’adhèrent pas à cette réforme, car elle induit une redevance pécuniaire qu’ils ne sont pas prêts à régler. De plus, une nouvelle taxe s’ajoute rapidement à la première. Elle est destinée à pourvoir la capitale d’éclairage permettant de mettre au jour ceux qui profiteraient de la nuit pour déposer leurs immondices où ils le souhaitent. Elle prend le nom de « taxe des boues et des lanternes » (De Silguy, 1996, p. 24). Mais ces nouveaux impôts très impopulaires ne perdureront pas, l’ordonnance de 1506 est laissée à l’abandon.

18En 1562, la France doit faire face à une nouvelle épidémie de peste extrêmement virulente, elle fait plus de 20 000 morts rien qu’à Paris. Une ordonnance est alors rédigée stipulant : « L’obligation de balayer devant sa porte avant le passage des tombereaux et de mettre dans des paniers, les boues, les ordures et autres immondices. Désormais, une clochette avertissait les habitants de l’arrivée des boueux » (De Silguy, 1996, p. 24). De plus, une nouvelle taxe pour financer les dépenses de collecte et le transport des ordures est instaurée, cet impôt nécessite un recouvrement par un entrepreneur privé. Mais cette esquisse de privatisation ne sera que de courte durée, car les riverains sont toujours hostiles à payer pour le ramassage de leurs déchets. La gestion des déchets revient alors au royaume.

L’apparition des chiffonniers

19Si le métier de chiffonnier semble très ancien : « depuis la nuit des temps, les déshérités glanent dans les déchets des plus nantis tout ce qui peut les aider à survivre » (De Silguy, 1996, p. 61). Au XVIIe siècle, la profession se développe véritablement. Que fait le chiffonnier ? Il est celui qui a la rue comme lieu de travail puisque c’est là qu’il collecte tout ce qui pourra ensuite être revendu, le plus souvent des chiffons et des os. Il n’a besoin que d’une hotte et d’un crochet pour se mettre au travail, il peut également utiliser une lanterne quand les collectes se font nocturnes. Parfois, il investit dans la location ou même l’achat d’une charrette pour faciliter le transport des rebuts. Au gré des époques, les glaneurs d’ordures se sont appelés différemment, « loquetières » au XIIIe siècle, « pattiers » ou « drilliers », toutes ces dénominations découlent de l’objet récupéré à savoir des loques, pattes ou drilles qui désignent des étoffes usagées (De Silguy, 1996, p. 61). Le chiffonnier est donc celui qui collecte et revend, d’abord et principalement des chiffons, mais peu à peu, la gamme des objets recueillis s’élargit. Il récupère également des os, des vieux papiers, des métaux, des cuirs, des peaux, des cheveux. Le chiffonnier est souvent considéré comme le premier recycleur, car les matières récoltées sont transformées en de nouveaux objets. Si ce métier n’a pas un rôle encore très défini au XVIIe siècle, il connaîtra un essor considérable après la Révolution et deviendra « une figure de la vie parisienne au XIXe siècle » (Barles, 2011a, p. 45).

Louis XIV décidé à améliorer la situation

20Le Roi-Soleil, fatigué d’entendre que Paris est le lieu le plus sale d’Europe et constatant que les villes françaises et leurs rues ne sont toujours pas propres, décide de mettre en place de nouvelles règles. Son médecin, inquiété de l’état de l’eau des fleuves, l’alerte. En 1650, il est alors conseillé à tous de ne plus boire l’eau de la rivière. En 1666, un nouvel édit vise à réguler le ramassage des ordures, ainsi les horaires de dépôt, de collecte et les itinéraires sont fixés. Celui qu’on appelle « Maître Fifi » signale chaque jour aux habitants des villes qu’il est temps de déposer ses ordures devant sa porte, car les tombereaux vont passer. Si des contrevenants dépassent l’heure prescrite, Maître Fifi a la possibilité de sanctionner ceux-ci par une amende (De Silguy, 1996). Le 5 mai 1668, une nouvelle ordonnance de police impose, sous peine d’amende, un nettoyage quotidien et à grandes eaux des rues ainsi que l’entassement localisé des boues. Les déchets sont portés tous les matins dans les tombereaux. À Paris, ce sont finalement des entrepreneurs privés qui se chargent de ramasser les boues et de les emmener hors de la ville pour servir d’engrais (Gouilliard et Legendre, 2003). À Lyon, en 1672, un texte assez similaire à l’édit de 1666 est rédigé, sommant les habitants des villes d’entasser devant leurs maisons les immondices dont ils souhaitent se débarrasser. Cette action vise à faciliter le travail de ceux qui sont appelés en région lyonnaise les « âniers », parce qu’ils utilisent des charrettes tirées par des ânes, ils sont responsables de débarrasser la ville de toutes ses ordures. En somme, ce sont des éboueurs. Mais, comme à Paris, les Lyonnais ne se soustraient pas à cette règle de bonne conduite et préfèrent déverser leurs déchets dans les rivières. En 1697, D’Argenson, alors nouveau chef de la police, observe que « les habitants du quartier Saint-Denis jettent encore, jour et nuit, par les portes et fenêtres, toutes leurs eaux, ordures, saletés, urines et matières » (De Silguy, 1996, p. 61).

De nouveaux déchets à faire disparaître

Une gestion de l’immondice plus stricte

23En 1779, le nettoiement des rues de Paris et l’évacuation des immondices est sujet de concours. Beaucoup préconisent l’enfermement des ordures. D’autres évoquent également l’idée d’utiliser ceux qui sont considérés comme inutiles pour évacuer les ordures. Pierre Chauvet propose d’utiliser les pauvres et les infirmes pour balayer les rues : « balayer relèverait d’une dette engagée implicitement envers un collectif qui en subit la présence, sinon l’existence » (Harpet, 1999, p. 327). L’abbé Bertholon pense que les mendiants peuvent se charger de cette tâche et Mathieu Géraud préfèrerait confier ce travail à des forçats comme c’est le cas à Berne en 1780. Les réformateurs sociaux espèrent ainsi se débarrasser à la fois des ordures et des vagabonds, « les puanteurs de l’immondice et l’infection sociale » (Corbin, 2008, p. 138). Louis Sébastien Mercier, repris par Cyrille Harpet (1999), s’exclame même : « Oh, si la pelle du boueur pouvait mettre dans le même tombereau toutes ces âmes de boue qui infeste la société, et les charrier hors de la ville, quelle heureuse découverte, et combien elle serait précieuse à la police ! » (p. 328). En définitive, l’emploi de ceux qui sont appelés nécessiteux ne durera pas très longtemps puisqu’ils seront rapidement considérés comme insuffisamment efficaces. À Paris, ce sont finalement des entreprises qui se chargent d’évacuer les immondices. « L’enlèvement n’était quotidien que dans les rues les plus fréquentées. Ailleurs, il se faisait à intervalles variant entre deux jours et un mois » (Forot, 2007, p. 73). Ceux qui sont appelés les « boueurs » ont alors pour rôle de ramasser les gadoues, les balayures des rues, « les détritus d’origine domestique que désigne le terme d’immondices » (Boudriot, 1986, p. 515), les résidus de marché et d’en remplir leurs tombereaux, lesquels sont précédés par les chiffonniers qui se servent dans les ordures et laissent aux boueurs ce qui ne leur sera d’aucuns profit. Un « chartrier » et un « retrousseur » chargent les immondices sur le tombereau tiré par deux chevaux (Boudriot, 1986). Au préalable de ce passage, chaque habitant doit balayer et amasser ces ordures. Ces déchets sont ensuite emmenés en dehors des villes où ils peuvent être vendus aux cultivateurs (Saddy, 1977).

24À la veille de la Révolution, la première loi concernant l’organisation du nettoyage des rues et des places dans toute la France est promulguée. Les riverains sont une fois de plus mis à contribution afin d’aider au nettoiement et à l’évacuation des immondices. Une ordonnance de police, dans laquelle il est précisé que les habitants doivent, chaque jour, balayer devant leur habitation, « de la façade jusqu’au milieu de la chaussée, dans les rues à double ruisseau, et jusqu’au milieu du ruisseau dans les autres rues », est d’ailleurs décrétée (De Silguy, 1996). Des agents sont missionnés afin de rappeler aux habitants ces bonnes conduites. Malgré cette surveillance et ce contrôle, les citadins, et plus encore les bourgeois, ne sont pas inquiets et ne respectent pas l’ordonnance. C’est principalement pour cette raison que le nettoyage par des compagnies privées se développe, les bourgeois qui refusent de se soumettre à ces corvées préfèrent déléguer ces tâches ingrates à des entrepreneurs. En dépit d’une volonté politique plus accrue d’assainir l’espace public, Paris et plus largement les villes françaises ne sont toujours pas propres à la fin du XVIIIe siècle. En 1797, Pierre Chauvet écrit à ce propos :

« Je suis indigné de la malpropreté de Paris : je me trouve humilié de ne pouvoir marcher dans la métropole, où siège notre Sénat, sans trouver des cloaques, des amas d’immondices, des tas de décombres, des bouteilles et des verres cassés […] ; de voir épars des membres de bêtes mortes ; de rencontrer des chiens errants qui me font craindre la rage ; des chèvres, des cochons jusques dans les promenades publiques ; d’être obligé de marcher sur un pavé inégal, couvert d’une boue grasse […] ; de voir des femmes, qui sont un modèle de goût pour toute l’Europe, obligées de trotter dans la boue […] ; des voitures destinées à nétoyer la ville, former elles-mêmes une malpropreté désagréable à l’odorat autant qu’à la vue ; enfin, de voir des hommes et des femmes, contre la décence et les bonnes mœurs, satisfaire publiquement à leur besoins. […] Si tous les habitants de cette grande ville étoient persuadés comme moi, qu’en général la propreté est une économie, et qu’il est très possible de rendre, en peu d’années, notre Paris plus propre qu’aucune ville de l’Europe, personne ne craindroit de faire le sacrifice d’une particule de sa fortune » (Chauvet, 1797, p. 3-6).

La découverte de l’hygiène ?

26Il est nécessaire d’isoler l’espace public. Cela passe par le pavage des rues qui facilite le lavage et la circulation. « […] paver, c’est d’abord isoler de la souillure du sol ou de la putridité des nappes aquatiques » précise Alain Corbin (2008, p. 135). La construction des trottoirs vise elle-aussi le même objectif. Il faut aussi commencer le dallage des fosses d’aisances, car cette action est la seule permettant « d’endiguer l’imprégnation » (Corbin, 2008, p. 135). L’eau est également utilisée pour évacuer les ordures des villes, des ordures qui doivent être collectées systématiquement (Bourdelais, 2001).

27Les hygiénistes souhaitent que l’air soit davantage ventilé. « La ventilation, et c’est la première de ses vertus, restaure l’élasticité et la qualité antiseptique de l’air » (Corbin, 2008, p. 140). Elle permet également de purifier et de désodoriser l’eau stagnante et balaie les basses couches d’air. Ce souci concerne aussi bien l’espace public que privé.

28Le courant hygiéniste impose de désentasser les populations. Le désencombrement des corps amène une série de réformes visant à particulariser les individus et plus spécifiquement les corps malades ou morts. Le lit et la tombe individuels sont par conséquent fortement recommandés.

29Toutes ces entreprises ont éliminé des populations d’insectes qui ont le rôle principal dans la chaîne de contamination, mais le changement d’attitudes à l’égard des ordures et de la saleté en général a aussi eu un rôle dans la diminution des maladies et dans la baisse de la mortalité au XVIIIe siècle (Bourdelais, 2001).

30Le XVIIIe siècle, confronté à des déchets nouveaux et de plus en plus nombreux, ne parviendra pas, malgré une gestion plus sévère et une volonté d’assainissement à endiguer totalement l’insalubrité des villes. Toutefois, les considérations hygiénistes ont permis de faire du XVIIIe siècle un siècle moins meurtrier. Les décideurs du XIXe siècle devront encore redoubler d’efforts et d’ingéniosité pour inventer des techniques de gestion des immondices encore plus efficace.

Le chiffonnier : un acteur du XIXe siècle

32Un paradoxe persiste au sujet de l’image que véhicule le chiffonnage. D’une part, l’activité dérange en raison des matières avec lesquelles les biffins travaillent et vivent. D’autre part, les populations ont conscience de l’utilité de ces tâches : le chiffonnier inspire les dessinateurs et les gens de lettres, comme Félix Pyat (1892), en tant que personnage indispensable à la vie urbaine et à l’industrie (Sandras, 2011). Ces derniers participent en effet au nettoiement urbain en débarrassant la ville de certains de ces déchets, mais ils sont également un maillon essentiel pour l’approvisionnement de l’industrie, comme le remarque Henri Blerzy (1867) :

« Près de sept mille individus n’ont d’autre moyen d’existence que d’explorer, le crochet à la main, les humbles rebuts de la population parisienne : 10,000 francs par jour, 3 millions et demi par an, telle est la moisson incroyable que les chiffonniers récoltent dans leurs expéditions nocturnes, butin immonde dont s’alimentent des fabriques de papier, de carton et de noir animal. Quelque inconvénient qu’il y ait à souffrir les usages actuels, on a pensé qu’il serait inhumain d’enlever à cette armée de pauvres travailleurs son gagne-pain de chaque nuit » (p. 564).

De l’espace public à l’espace privé

35Au XIXe siècle s’opère un glissement qui déplace la réflexion de l’espace public vers l’espace privé, et plus précisément vers l’espace privé populaire. En 1850, Passot un hygiéniste affirme que « La salubrité d’une grande ville est la somme de toutes les habitations privées » (Corbin, 2008, p. 210). Ainsi, il devient nécessaire d’immiscer l’odorat dans les maisons et plus encore dans les habitations les plus pauvres. La bourgeoisie naissante, et en plein essor à cette époque se mêle de ces nouvelles considérations. Le peuple pauvre, déshérité est alors suspecté d’être sale, d’avoir des habitudes de saleté et de dégager une odeur putride, il est potentiellement infectieux. Il est vrai qu’une certaine « fidélité à l’ordure », selon les propos d’Alain Corbin (2008), persiste dans les classes populaires, lesquelles octroient par exemple des vertus médicinales aux excrétions. Ces nouvelles considérations justifient alors la désinfection des classes laborieuses et leur soumission. Plus tard, le souci de propreté trouve sa justification dans les arguments des médecins. Ils incitent à éliminer la crasse afin d’éloigner les risques d’infection et ces préceptes sont également valables pour les classes bourgeoises, car, comme le souligne Corbin (2008) : « Décrotter le pauvre équivaut à l’assagir ; convaincre le bourgeois de se laver, c’est le préparer à l’exercice des vertus de sa classe » (p. 260). La propreté est peu à peu acceptée, car elle permet aussi de lutter contre la perte ; elle diminue le gaspillage vestimentaire et alimentaire (Corbin, 2008). D’ailleurs, la gestion domestique des ordures change à la fin du XIXe siècle. Corbin (1984) explique que l’ordure qui trouvait jusqu’alors sa place dans la maison devient peu à peu gênante, elle n’a plus sa place dans les habitations aussi bien rurales qu’urbaines et on tente de l’éloigner vers des lieux assignés comme le grenier par exemple.

Le nettoiement, les excréments et les ordures à la porte du changement

37En ce qui concerne les immondices et les boues, ce sont toujours les tombereaux guidés par les « tombeliers » qui se chargent de les collecter et de les transporter jusqu’aux voiries, double souci que cette gestion, puisqu’elle mêle la hantise de la putridité à la crainte de la perte. En effet, ces boues, ces gadoues sont une richesse précieuse pour les maraîchers et, même si ces matières font peur, il convient de ne pas en perdre une goutte (Barbier, 1997).

Le règne de l’« hygiénisme pasteurien16 »

La récupération ne fait pas le poids face à l’hygiène

39Jusqu’alors, les eaux pluviales et ménagères étaient recueillies par les « ruisseaux » qui s’écoulent au milieu de la chaussée et rejoignent ensuite la Seine. Quant aux excréments, ils sont retenus dans les fosses d’aisance qui, une fois pleines, sont vidangées et leurs matières transportées dans les voiries comme celles de Montfaucon (Dupuy et Knaebel, 1982). Ce système va être complètement refondé et le tout-à-l’égout se développe sous l’impulsion du préfet Haussmann qui souhaite « rendre Paris moins obscur » (Corbin, 2008, p. 200). Toutefois, remplacer les fosses d’aisances par des réseaux d’assainissement est difficile, car les détracteurs sont nombreux. Les propriétaires refusent le coût que représente l’équipement de leurs logements, les vidangeurs craignent de perdre leur emploi et plus généralement l’on s’inquiète de perdre toutes les ressources que contenaient les excréments. Par exemple, les ramasseurs d’urine, qu’ils soient tanneurs, corroyeurs ou foulonniers s’insurgent de ne plus pouvoir collecter l’urine, nécessaire à la réalisation de leur travail (Poiret, 1998). Il faudra dix années pour qu’une loi exige que les citadins déversent leurs eaux usées dans les réseaux d’assainissement. Il devient nécessaire que l’eau comme l’air circulent « non seulement sur le sol, mais encore au-dessus et au-dessous » (Jorland, 2010, p. 271). La loi de 1894 oblige donc tous les Parisiens à déverser leurs eaux dans le réseau des égouts et non plus dans la Seine. Les égoutiers se chargent quant à eux d’enlever les boues qui gênent encore la ville. Le ruisseau central où s’écoulaient toutes les boues, toutes les gadoues, est peu à peu supprimé et des caniveaux sont lentement construits.

40En 1699, les édiles de Caen avaient imposé aux habitants l’emploi de paniers pour déposer les ordures. En 1799, les Lyonnais devaient stocker leurs ordures dans des seaux, ce qui facilitait la tâche des « boueurs », mais faisaient disparaître les milliers de chiffonniers. Cette réforme les empêchait de récupérer les déchets dont ils tiraient leur subsistance, ils s’y opposèrent donc violemment. En outre, l’achat de cette boîte représentait un coût que seuls les plus aisés pouvaient assumer. Aussi, ce nouveau règlement tomba en désuétude et il fallut attendre des années pour que l’idée émerge à nouveau (De Silguy, 1996).

41En 1883, Eugène Poubelle arrive sur la scène politique parisienne et prend les fonctions de préfet de la Seine. Le 24 novembre paraît l’arrêté imposant aux propriétaires d’immeubles de fournir à leurs locataires des boîtes, munies de couvercles, pour recueillir les ordures ménagères. Ces récipients offrent l’avantage d’une meilleure hygiène de même qu’un ramassage plus rapide et plus aisé. Ces nouvelles boîtes doivent être gérées par les concierges d’immeubles, ils ont alors pour mission de les sortir quinze minutes avant le passage de tombereaux (entre 6 h 30 et 8 h 30 l’été, 8 h et 9 h l’hiver) et de les rentrer une fois la collecte terminée. Par ailleurs, trois récipients, variant de 40 à 120 litres, sont prévus pour effectuer une sorte de tri sélectif : un pour les matières organiques, un pour les matières papier et les chiffons, un pour la faïence, le verre et les coquilles d’huîtres. Ces boîtes sont extrêmement mal accueillies par tous :

  • Les propriétaires refusent cette nouvelle charge et ne veulent pas acheter ces boîtes.

  • Les locataires s’opposent à cette boîte à ordures pour deux principales raisons. D’une part, « on leur demande de ne déposer leurs ordures dans les boîtes que le matin, ce qui […] leur impose des horaires très matinaux, mais aussi les oblige à conserver chez eux ces matières » (Barles, 2005, p. 167), lesquels s’inquiètent de la putréfaction dans leurs logements et dans leurs boîtes. D’autre part, ils refusent de « jouer aux chiffonniers » puisqu’ils sont sollicités pour trier leurs détritus.

  • Les concierges ne sont pas prêts à effectuer des tâches supplémentaires et excluent de se lever plus tôt afin de gérer la sortie et la rentrée de ces conteneurs.

  • Enfin, les chiffonniers sont sans nul doute ceux qui s’opposent le plus à cette réforme qui enferme leurs précieuses ordures et les menace de perdre leur travail ; leur seul moyen de subsistance.

42Après de nombreux débats, l’arrêté du 24 novembre 1883 est révisé le 7 mars 1884. Désormais, les citadins ont la possibilité de sortir leurs boîtes à ordures le soir si bien que les chiffonniers peuvent fouiller dedans avant le passage des tombereaux (Bahers, 2012). Malgré cela, les boîtes à ordures mettront du temps à entrer dans les mœurs : certains propriétaires n’en font pas l’acquisition et les habitants ne trient pas tous leurs déchets. « Après quelques années, bien des boîtes détériorées n’étaient pas remplacées et les tas d’ordures se reformaient çà et là dans les rues » (De Silguy, 1996, p. 32). Néanmoins, le préfet croit en son arrêté et parvient à le faire globalement appliquer, du moins à Paris. En ce qui concerne la « Province, l’usage courant des poubelles ne se fera que vers la Seconde Guerre mondiale » (Gouilliard et Legendre, 2003, p. 17).

43Les défenseurs de la valorisation, après avoir perdu la bataille du tout-à-l’égout, craignent la montée en puissance de l’incinération des ordures. Elle se développe dès la fin du XIXe siècle, d’abord à l’étranger, notamment en Angleterre, puis dans les autres pays européens et aux États-Unis (Barbier, 1997). L’incinération apparaît comme l’une des meilleures solutions afin de répondre à l’accroissement des quantités d’ordures et à la saturation des décharges. C’est dans ce sens qu’en 1893, la première usine est construite à Javel près de Paris. Les hygiénistes soulignent que cette technique apparaît « comme la réponse la plus radicale à la menace de l’immondice : elle associe la purification par le feu et la disparition, la volatilisation des déchets » (Lhuilier et Cochin, 1999, p. 25). Par ailleurs, l’incinération offre la possibilité de « faire perdurer la réutilisation des résidus, sous forme de chauffage urbain » (Rocher, 2009, p. 23). Mais les agronomes s’indignent de « la perte irrémédiable d’une source précieuse d’engrais organiques », rappelle Catherine de Silguy (1996, p. 111). Après quelques années de polémique, les agronomes finissent par perdre la partie de l’incinération. Aux prémices de la technique, tous les déchets ne sont pas incinérés, les boues sont conservées pour faire des engrais, mais l’on se rend compte de la chaleur que l’incinération des déchets peut dégager et peu à peu tout est brûlé (De Silguy, 2009). Au fil du temps, l’incinération devient la pratique la plus répandue pour l’élimination des déchets.

44Le tout-à-l’égout, la boîte à ordures et l’incinération attestent bien d’un tournant de l’hygiène au XIXe siècle qui, progressivement, prend le pas sur la volonté de recyclage, de récupération, d’économie des matières.

45Jusqu’au début du XVIIIe siècle, ce sont les citadins qui sont censés balayer les voies publiques et transporter les ordures de leur maison vers les endroits appropriés (Guigo, 1991). En somme, pendant des siècles, ce sont principalement les citadins qui doivent endosser le rôle du balayeur et de l’éboueur. Mais, parce que les ordures de toutes sortes ont augmenté considérablement au fil des siècles et que les citadins n’ont pas souhaité assumer la gestion de celles-ci, les villes ont été obligées d’organiser la collecte des déchets et le balayage. C’est ainsi que des personnes ont été peu à peu engagés afin de se charger du nettoiement urbain, que l’on a investi dans du matériel pour nettoyer, balayer, aspirer, collecter les ordures ménagères puis urbaines et que des moyens financiers ont été alloués à ce service devenu public. Dans ce sens, ces bouleversements en ce qui concerne la collecte des ordures, leur traitement et l’assainissement des villes ont permis d’esquisser, à la fin du XIXe siècle, des villes françaises plus salubres, plus propres, et finalement plus belles et agréables. Le XXe siècle s’ouvre alors sur un espoir de voir enfin les aires urbaines ne plus être gâchées par les immondices.

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