Top 10+ personne âgée qui perd la tête

« Qui es tu ? » demande Mauricette, 72 ans. Elle s’adresse à sa fille, Laurence, qui sursaute. Depuis quelques minutes, celle-ci parlait normalement avec sa mère, mais elle sentait bien que quelque chose n’allait plus. Les yeux de la vieille dame s’égaraient, et la semaine précédente elle avait demandé : « Où est Raymond ? » Raymond, c’était son frère, décédé vingt ans plus tôt.

Perte de mémoire d’un parent, la fin des repères

Laurence ne s’habitue pas aux pertes de mémoire de sa mère : « La maladie d’Alzheimer est perfide. La discussion avec ma mère peut être normale, et soudain je me rends compte qu’en fait elle ne sait plus du tout qui je suis. Elle retombe en enfance, et c’est insupportable. Cette maladie me rend dingue, parce que j’ai honte de m’énerver. Lorsque j’arrive pour lui rendre visite, je ne sais jamais si elle va savoir qui je suis. Je hais cette dépendance qui l’infantilise et qui la recroqueville comme un fœtus. » La semaine dernière, Laurence a retrouvé sa mère dans cette position : « J’en ai voulu aux infirmières de la maison spécialisée dans laquelle j’ai été obligée de la placer. J’ai cru qu’elles ne s’occupaient pas d’elle. J’ai compris qu’on ne pouvait plus faire grand-chose. Etre un fœtus, c’est ce que semble vouloir ma mère. »

Laurence ne veut pas se plaindre, car elle a eu du mal à trouver un établissement qui accepte d’accueillir sa mère malade. « Lorsque je me suis rendu compte qu’elle ne pouvait pas rester seule chez elle, j’ai cherché des aides à domicile, mais elles se sont toutes épuisées. Ma mère s’en allait, se perdait. Elle semblait chercher sa maison d’enfance. Les auxiliaires de vie ont craqué les unes après les autres. J’étais obligée de quitter mon boulot, j’étais tout le temps inquiète et à bout. Finalement, j’ai opté pour une maison de retraite. Mais toutes les portes se fermaient. La maladie était trop avancée, le personnel en mal de formation. J’ai trouvé cette place, à 100 km de chez moi, et je fais la route trois fois par semaine, après mon travail. »

Lorsqu’elle repart de cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Laurence pleure toujours : « C’est terrible de voir ma mère se dégrader, ne plus se souvenir de moi. Mes souvenirs d’enfance sont morts avec sa maladie. Elle ne sera plus jamais une grand-mère pour mes enfants, car elle ne peut plus rien transmettre de ce que fut notre vie. C’est comme si tout était parti en fumée. Je sais le processus de la maladie irréversible, et la fin, inexorable, je voudrais qu’elle meure sereinement, le plus vite possible. »

Je suis fille unique, tout repose sur mes épaules

Laurence a honte de ces mots. Elle s’en excuse. Encore et encore. Ponctue ses phrases de : « Vous me comprenez ? » Oui, nous la comprenons. Elle poursuit, se vide d’un flot de paroles : « Il ne reste plus rien de notre relation. Ce n’est plus ma mère, c’est une enfant devenue parfois méchante, incontinente, et chaque jour qui passe, elle se dégrade encore un peu plus. Je suis fille unique, tout repose sur mes épaules, je n’ai personne avec qui partager et je n’en peux plus d’être devenue pour ma propre mère une sorte de mère exaspérée. »

En France, comme la mère de Laurence, 860 000 personnes sont victimes de la maladie d’Alzheimer (1), et toutes ces familles vivent, parfois dans le secret, cette situation dramatique. Même si le gouvernement a fait de la dépendance un sujet de « débat national » (2), les aides restent insuffisantes face à l’indicible : la honte et la volonté, parfois, d’en finir au plus vite. Marie-Pierre Pancrazi est géronto-psychiatre à l’hôpital privé gériatrique Les Magnolias, à Ballainvilliers (Essonne). Chaque jour, elle rencontre des enfants qui souffrent de la perte de mémoire de leur parent : « Nous avons tous besoin d’images parentales pour nous structurer. Ceux dont l’identité s’appuie beaucoup sur leurs parents, dont ils ne parviennent pas à se détacher, vont être très fusionnels avec le malade. Ces enfants-là refusent souvent l’aide des soignants, mettent en doute leurs compétences. Dans le cas de rapports mère-fille très forts, la perte de mémoire renvoie une image dégradée de soi-même. C’est la peur de finir avec la même “tare”. Son identité de femme s’effondre. »

Perte de mémoire d’un parent, réapprendre à parler

8 heures, hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Comme tous les matins, tendue, Lisa pousse la porte de la chambre de sa mère. Comme tous les matins, celle-ci ne la reconnaît pas. Toujours pas de miracle. Comme 160 000 personnes en France chaque année (3), sa mère a subi un traumatisme crânien. Depuis que sa voiture a percuté un platane, elle ne se souvient plus de rien. « C’est comme si son cerveau avait explosé, m’a expliqué le neuro-chirurgien, raconte Lisa. Son accident fut d’une violence hallucinante, mais elle n’a rien eu de touché… à part la tête. Au début, j’ai cru à un miracle, puis j’ai vite compris que c’était pire qu’un fauteuil roulant. » Un trou noir s’est enfoncé en elle durant ses quatre semaines de coma, et il a effacé les données de son cerveau. Depuis deux mois, la mère de Lisa est sortie du coma, elle réapprend à manger, à parler. Mais elle ne se souvient de rien. « Le médecin m’avait prévenue, mais je ne voulais pas y croire. Comment une mère peut-elle oublier son enfant ? Nous étions si fusionnelles que je me disais qu’elle serait une exception. Mais je vois son regard vide à chaque fois que j’entre dans la chambre. Hier elle m’a carrément demandé qui j’étais. »

Le fonctionnement de notre cerveau est compliqué et mystérieux. Il compte cent milliards de neurones qui déterminent qui nous sommes. Si nous préférons le bleu au rose, si nous sommes plutôt impatients ou conciliants. La mémoire est rangée dans quantité de tiroirs de ce disque dur, tous reliés entre eux : l’attention, l’émotion, les sensations… Après un traumatisme crânien, tout vole en éclats. « Moins efficace, l’organe a du mal à fixer de nouvelles informations, car l’encodage est perturbé. L’individu ne sait plus comment aller chercher les informations, car tout est embrouillé », explique le professeur Philippe Azouvi, chef du service de médecine physique et de réadaptation Netter à Garches. Les médecins se prononcent rarement sur les suites d’un traumatisme crânien. Perdre la mémoire est un handicap invisible, les rééducations sont longues. Toujours épuisantes pour la famille.

Face à cette vie en trompe-l’œil, la détresse psychologique des proches est peu prise en compte

A Marseille, Sarah, 22 ans, sort de son école d’esthétique et rentre chez ses parents. Au regard apeuré de son père, elle sait qu’il ne la reconnaît pas. Ou plutôt qu’il ne fait pas le lien entre la jeune femme qui se tient devant lui et sa fille. Car pour lui Sarah a toujours 11 ans… Depuis son opération du cerveau, la maison est envahie de Post-it : « Ne pas toucher aux clés de la voiture », « Ne pas sortir », « Penser à manger », « Boire toutes les heures »… Victime d’un accident vasculaire cérébral en 1985, Jean-Michel a perdu la mémoire immédiate. Il se souvient de ce qu’il a fait durant l’été 1985 et les années d’avant, mais pas de la lettre d’anniversaire qu’il vient d’écrire à son fils aîné. D’ailleurs, il ne se souvient pas de son fils aîné.

Sarah et son frère tentent de préserver leur mère, qui s’enfonce peu à peu dans la dépression. « Nous tentons de faire comme si tout allait bien. Nous savons que notre père ne sait pas qui nous sommes, mais nous essayons d’en sourire. Notre vie entière est basée sur le mensonge. Nous n’avons pas le choix.» Sarah n’a jamais ramené un copain après l’école à la maison : « J’ai trop honte. A chaque fois que je rentre à la maison, mon père sursaute. Je sais qu’il lui faut un temps pour s’habituer à moi. C’est dingue de faire peur à son père ! » Dans un coin, Jean-Michel assiste à notre conversation comme un étranger. Il parle peu, distille quelques mots et, soudain, lâche, dans un éclair de lucidité implacable : « Je crois que j’ai eu un accident, je suis toujours vivant, mais l’intérêt de ma vie est limité pour les autres. » Puis il se tait. Des larmes roulent sur les joues de Sarah : « Comme cette conscience est cruelle ! Dans quelques minutes, il aura oublié tout ce qui vient de se dire. »

« Dans cette famille, comme dans toutes celles touchées par des problèmes de mémoire, le parent est devenu l’enfant, analyse Fabienne Verdureau, orthophoniste à Marseille, spécialiste de la mémoire. C’est très aliénant pour l’entourage. La perte de mémoire disloque la cellule familiale, elle désunit. » Sans passé, sans futur ni présent, Jean-Michel n’a plus d’identité. Il devient dépendant des autres. Le désarroi se lit dans les yeux de Sarah : « Parfois je me dis que papa aurait mieux fait de partir, il aurait été moins malheureux. C’est terrible de préférer la mort à la vie », souffle-t-elle. Père, mère, grands-parents : ils sont toujours présents mais si différents… « C’est un handicap invisible qui n’enlève rien à l’intelligence de l’individu, à ses émotions, à son raisonnement logique », souligne Fabienne Verdureau.

Face à cette vie en trompe-l’œil, la détresse psychologique des proches est peu prise en compte. Rares sont les hôpitaux, comme celui de Garches, qui les accompagnent. Combien de familles s’épaulent, comme celle d’Annie Girardot, disparue des suites de la maladie d’Alzheimer ? Ambivalents, beaucoup d’enfants ont envie d’aider, de comprendre, de lutter. Mais la colère grogne en eux, l’impatience aussi. Plus de la moitié d’entre eux souffriraient de dépression. Ils en parlent rarement, c’est tabou.

Aider un parent qui perd la mémoire, l’analyse de la psy

  • Marie Claire : Pourquoi est-ce si triste de voir son parent perdre la mémoire ?

Marie-Pierre Pancrazi (*) : La figure parentale qui s’estompe pour devenir celle d’un enfant, cela peut être dévastateur, mais ça fait aussi grandir. Chacun vit avec la représentation du parent d’avant, alors qu’il a face à lui quelqu’un de très différent. Vous le perdez alors qu’il est encore là. C’est ce qu’on appelle le deuil équivoque ou le deuil blanc.

  • Quels sont les risques, quand on accompagne ?

D’abord un stress chronique. Mais aussi un risque accru de dépression, de pathologies immunitaires ou cardio-vasculaires… Le risque de crise familiale est à prendre en compte également : difficile de gérer un parent dépendant, son couple, ses enfants, son travail !

  • Comment garder l’équilibre ?

Il importe de ne pas se sentir indispensable en permanence et de savoir passer la main pour souffler, de s’autoriser à demander l’aide de son entourage, d’un auxiliaire de vie, ou de profiter d’un hébergement temporaire du patient pour partir en vacances ou se soigner. Il s’agit d’équilibrer la balance entre ce qu’on donne à l’autre et ce qu’on se donne à soi.

  • Comment se faire aider ?

A trois niveaux : en confiant la personne à une structure de jour ou une aide à domicile, pour partager la charge de soin et souffler un peu ; en se faisant soutenir soi-même psychologiquement ; et en faisant de l’éducation thérapeutique (**) qui aide les proches à trouver en eux les ressources pour mieux gérer la maladie. Cela peut se faire seul ou en groupe. Il n’y a pas de honte à craquer.

Article publié en septembre 2011 dans le magazine Marie Claire

A la demande des témoins, les prénoms ont été modifiés. // 1. Selon la Fondation pour la recherche médicale, www.frm.org. 2 www.dependance.gouv.fr. 3. Source : Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, www.traumacranien.org, 01 53 80 66 03.

*Géronto-psychiatre et auteure, avec Patrick Métais, de « Vivre avec un proche atteint d’Alzheimer » (éd. Interéditions). **L’association France Alzheimer et maladies aparentées propose des structures d’accueil pour les malades et des activités afin d’aider les proches à mieux accompagner les malades. Pour trouver la structure la plus proche de chez vous : Allo France Alzheimer, 08 11 11 21 12 (prix d’un appel local).

Adresse utile : Union des associations France Alzheimer et des maladies apparentées, 01 42 97 52 41, www.francealzheimer.org.

Top 10 personne âgée qui perd la tête synthétisé par Lamsachdoda

Communiquer avec des proches qui présentent des troubles de la mémoire

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