Contrôle technique moto quels sont les points contrôles

L’année 2023 verra-t-elle l’instauration du contrôle technique pour les deux-roues moteur ? Ou écrira-t-elle une page de plus dans un long feuilleton à multiples rebondissements ? Comme le gilet jaune, le contrôle technique constitue pour beaucoup de motards un épouvantail, une formule, un cliché que l’on invoque sans trop savoir ce que cela signifie réellement. Faisons le point sur ce sujet plus complexe qu’il n’y paraît.

Première publication en janvier 2016 Dernière mise à jour en juillet 2022

Historique du contrôle technique automobile

Le contrôle technique pour les véhicules à quatre roues apparaît en France en 1992, sous la forme d’un « contrôle technique périodique des véhicules automobiles légers », instauré par un arrêté du 18 juin 1991 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 1992.

Les règles en sont simples : tous les véhicules particuliers, camionnettes et camping-cars, dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est inférieur ou égal à 3,5 tonnes, de la catégorie des « véhicules légers » (VL), doivent subir un contrôle technique, effectué par un organisme privé mais agréé par l’État, un centre de contrôle technique. La visite dite « réglementaire » concerne les véhicules de plus de quatre ans et doit être renouvelée tous les deux ans, sauf en cas de vente du véhicule qui requiert alors un contrôle technique de moins de six mois.

Le contrôle technique automobile (CT auto ou CTA) repose avant tout sur un contrôle visuel, réalisé sans nécessité de démontage, sur les organes principaux d’un véhicule. Il est composé de plus d’une centaine de points de contrôle (118 au début, puis 124 depuis 2012), prévus par la réglementation, avec obligation de réparation si des défauts sont constatés. Sur ces points de contrôle, seuls 72 peuvent entraîner une contre-visite (dans un délai de deux mois) si des défauts sont détectés.

Les points de contrôle concernent dix fonctions principales :

  • Freinage
  • Direction
  • Visibilité
  • Eclairage/signalisation
  • Liaison au sol
  • Structure/carrosserie
  • Equipements
  • Organes mécaniques
  • Pollution/niveau sonore

Le contrôle technique doit être réalisé dans un délai précis (dans les six mois précédant la date du quatrième anniversaire de la première mise en circulation du véhicule), sous peine d’une contravention. En cas de contrôle de police, le propriétaire du véhicule ayant un contrôle technique périmé s’expose à une contravention pouvant aller jusqu’à 750 €. En règle générale, il s’agit d’une amende forfaitaire de 135 euros. Le certificat d’immatriculation du véhicule peut être retenu pendant une durée de sept jours, le temps de faire le contrôle technique. La carte grise ne sera restituée que lors de la présentation aux forces de l’ordre d’un procès-verbal de contrôle technique favorable.

Lors de sa création, le contrôle technique avait principalement pour but d’assainir le parc automobile français en limitant le nombre de véhicules dangereux en circulation, gage de sécurité sur la route. Avec la montée en puissance de l’enjeu écologique, il a acquis un objectif environnemental. Depuis 2008, le niveau de pollution est mesuré à chaque contrôle technique sur les voitures. Pour les véhicules utilitaires de plus de quatre ans, une visite complémentaire, permettant de mesurer les émissions polluantes, est obligatoire chaque année et tous les deux ans pour les camping-cars.

Le contrôle technique est réglementé par une directive européenne, avec pour objectif d’imposer des règles de contrôle similaire dans tous les pays afin d’harmoniser les pratiques au niveau européen et d’obtenir une reconnaissance mutuelle entre Etats des contrôles techniques.

Toutefois, certains véhicules entrant dans la catégorie des véhicules particuliers ne sont pas soumis au contrôle technique :

  • les voiturettes sans permis,
  • les motos, 2 roues et 3 roues,
  • les caravanes et remorques,
  • les tracteurs,
  • les voitures immatriculées dans les services diplomatiques ou assimilés,
  • les voitures immatriculées dans les séries FFECSA (Forces françaises et éléments civils stationnés en Allemagne).

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Historique du contrôle technique moto

ffmc-controle-technique-moto-scooter-repassageLes premières velléités d’instauration d’un contrôle technique pour les deux-roues motorisés (couramment appelé « CT moto ») apparaissent en 2000.

L’organisme pilote en la matière est l’UNECE (Commission économique pour l’Europe des Nations Unies) qui coordonne depuis Genève la réglementation en matière de transport routier, notamment les normes d’homologation des équipements de protection, par exemple.

A travers la directive « Harmonisation des contrôles techniques » de 1997, le Forum mondial pour l’harmonisation des réglementations sur les véhicules (filiale du Comité des transports intérieurs de l’UNECE) tente d’harmoniser la réglementation du contrôle technique au niveau mondial.

A l’époque, la direction générale des Transports de la Commission européenne invoque principalement le respect de nouvelles normes de pollution et anti-bruit (nouvelles limites d’émissions entrées en vigueur en juin 1999) pour obliger les motards à faire inspecter leur machine à intervalles réguliers.

Au début des années 2000, sept pays sur les 15 que compte l’UE imposent un contrôle technique moto, dont le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne, avec des modalités très variables.

En France, les premiers débats sur le CT moto naissent en 2007.

En février 2007, une note de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), reprenant une étude norvégienne sur l’effet sur les accidents du contrôle périodique des véhicules, indique que « le contrôle technique périodique n’a pas d’effet sur la sécurité routière« .

En juin 2007, le Conseil économique et social (organisme consultatif de conseil au gouvernement et aux assemblées) recommande pourtant l’instauration d’un contrôle technique obligatoire pour les motos et les cyclomoteurs.

En janvier 2008 est publié un rapport de 2007 du Conseil des Ponts et Chaussées, élaboré par l’ingénieur général de l’équipement Dominique Lebrun. Celui-ci réalise un exposé impartial des positions de chacun des acteurs sur l’opportunité d’un contrôle technique moto (assureurs, associations, chambre syndicale…) et finit par préconiser l’instauration d’un contrôle technique pour les motos et les cyclos, tout en reconnaissant qu’il est « difficile d’établir une corrélation entre l’état du véhicule et la survenance des accidents ».

Les recommandations de ce rapport prévoient que le CT moto devrait « obéir aux mêmes règles d’organisation que celles prévues pour les véhicules de tourisme, et en particulier selon la même périodicité, privilégier un contrôle visuel et se limiter aux fonctions essentielles (dispositif de freinage, géométrie, débridage, contrôle du bruit, état des pneus, éclairage…) en réduisant les investissements nécessaires à quelques appareils pour ne pas alourdir le coût de la visite qui ne devrait pas dépasser 30 euros« .

Cette mesure figure au programme du Comité interministériel de sécurité routière (CISR) de février 2008, mais n’est finalement pas retenue par le Premier ministre François Fillon, notamment parce que les cyclomoteurs ne seront soumis à l’obligation d’immatriculation qu’à partir de juillet 2009.

En tou
te logique, une fois cette obligation mise en place, le CISR de février 2010 annonce « instaurer pour les cyclomoteurs un contrôle obligatoire tous les deux ans, centré sur le bridage du moteur, à compter de la deuxième année de mise en circulation« , avec une échéance fixée à 2011. Dans les faits, cette annonce reste lettre morte et la mesure n’a pas été mise en place.

La polémique resurgit en 2012 et 2013. En juillet 2012, la Commission européenne présente un projet qui souhaite harmoniser le contrôle technique dans les Etats membres à partir de 2016, en incluant les motos et les scooters et en durcissant ses conditions pour les automobiles.

En octobre 2012, le Sénat rend un avis défavorable sur la proposition émanant de la Commission européenne et s’interroge sur les statistiques avancées pour justifier le projet d’étendre le CT aux motos et scooters, notamment sur le pourcentage assez élevé d’accidents (8%) qu’elle prétend liés à une défaillance technique. Quelques semaines plus tard, les députés français prennent position contre le projet de règlement européen sur le CT moto, confirmant l’avis des sénateurs.

En décembre 2012, les ministres européens des Transports au Conseil de l’UE décident de retirer les motocycles de la liste des véhicules concernés par le projet de nouvelle directive européenne sur le contrôle technique, tout en prévoyant de réexaminer la situation des deux-roues moteur (2RM) dans un délai de cinq ans, avec une étude de comparaison d’accidentalité entre les pays qui possèdent un CT pour les 2RM et de ceux qui n’en n’ont pas.

En mai 2013, la Commission des Transports du Parlement européen rejette un projet de règlement qui vise à introduire des normes minimales pour le contrôle technique des motos et décide de laisser le choix aux États-membres.

Mais coup de théâtre ! En juillet 2013, les députés des 27 Etats-membres votent en séance plénière du Parlement européen un amendement demandant la réintégration des 2RM (sauf les cyclos) dans la directive Contrôle technique, ce qui implique la mise en place d’un CT moto à partir de 2016, selon la même périodicité que pour les voitures (tous les deux ans à partir de la quatrième année).

En décembre 2013, suite à une réunion tripartite entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil des ministres de l’Union européenne, un accord est trouvé pour repousser le CT moto à 2022 (au plus tôt).

Le texte prévoit que « les motos de grosse cylindrée seront soumises à des tests périodiques de conformité à partir de 2022« . Au cas où un Etat déciderait de soumettre les motos de grosse cylindrée au CT périodique, il fixera lui-même les méthodes, les lieux et la fréquence de l’inspection. De plus, les États membres pourront être dispensés de tels contrôles s’ils ont déjà mis en place « des mesures de sécurité routière alternatives efficaces pour les véhicules à deux ou trois roues » (ce qui veut tout et rien dire). Enfin, un véhicule déclaré techniquement conforme par un Etat membre devra être considéré comme tel par tout autre Etat membre de l’Union européenne en cas de nouvelle immatriculation sur son territoire.

Cet accord est entériné en mars 2014 par un nouveau vote du Parlement européen et débouche sur la directive européenne 2014/45/UE. Le contrôle technique des deux-roues devrait en principe être mis en place au 1er janvier 2022 au plus tard par chaque État membre.

Point final ? Que nenni !!

En octobre 2015, lors d’un nouveau CISR (le premier organisé depuis 2011), le Premier ministre Manuel Valls annonce un ensemble de 55 mesures, dont l’instauration « d’ici deux ans » d’un contrôle technique obligatoire, mais seulement lors de la revente d’un deux-roues. Il ne s’agit donc pas d’un contrôle périodique, mais d’une formalité supplémentaire (et néanmoins impérative) lors de la vente d’un 2RM d’occasion.

Ce projet est finalement enterré en 2016.

Dans l’Union Européenne, 17 des 28 Etats-membres ont mis en place un CT moto, à divers degrés et avec différentes modalités. Seuls la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas ont adopté des mesures alternatives pour réduire le nombre d’accidents, qui leur ont permis de le contourner.

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Où en est-on en 2022 ?

En France, à l’heure actuelle, il n’existe pas de loi qui oblige les motards français à effectuer un contrôle technique de leur moto.

Les épisodes du feuilleton sur une instauration du CT moto se suivent et en disent long sur les errements, les indécisions, l’impréparation du gouvernement, de l’administration et des acteurs économiques. Chaque nouvelle annonce est abondamment commentée. Il importe de garder à l’esprit que rien n’est encore définitif.

En avril 2016, un communiqué de presse émanant de la Sécurité Routière, intitulé « Mise au point de la Sécurité routière sur la future obligation de contrôle technique des deux-roues motorisés à la revente », évoquait une entrée en vigueur au second semestre 2017.

« Cette mesure élémentaire de protection du consommateur (…) s’imposera à tous les États membres via la directive européenne 2014/45/UE du Parlement et du Conseil du 3 avril 2014, au plus tard le 1er janvier 2022. »

Pour rappel, la directive européenne 2014/45/UE exige de tous les États membres de mettre en place ce CT pour 2RM en 2022, s’ils n’arrivent pas à prouver qu’ils ont mené des actions de sécurité routière ayant permis de faire baisser sensiblement les accidents dans cette catégorie de véhicules, sous peine d’amendes.

En février 2021, le comité Transport et Tourisme du Parlement européen demande à la Commission Européenne l’intégration des véhicules à deux et trois roues aux cycles périodiques du contrôle technique, à l’instar des quatre-roues, et ce dès 2022 en France. Ce texte doit être soumis à la Commission Européenne qui devra décider des différentes modalités de ce contrôle technique moto et scooter, rédiger une directive, etc.

En juin 2021, la Direction générale de l’énergie et du climat (service du ministère de la transition écologique, dont dépend le ministère des transports) prépare « un décret en Conseil d’État visant à établir la date et la progressivité de mise en place d’un contrôle technique moto« .

“Il est projeté une mise en place progressive du contrôle technique pour les deux-roues dans les cinq ans à venir, entre 2023 et 2026”, précise un porte-parole du ministère des Transports.

Un décret ministériel paru en août 2021 a fixé une entrée en vigueur progressive à partir de janvier 2023. Mais le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé dès le lendemain à son gouvernement de le suspendre.

Des mesures alternatives ont été présentées dans leurs grandes lignes fin novembre 2021 pour une mise en place supposée à partir de 2022. Une prime à la conversion d’un montant pouvant atteindre 6 000 € et sans condition de revenus serait notamment créée pour l’achat de deux-roues électriques ou très peu polluants. Des radars pour contrôler les émissions sonores, notamment des deux-roues, seront installés, dans un but pédagogique dans un premier temps. En plus du « maintien d’un niveau de sanctions pour les pots d’échappement non homologués ou trafiqués, pouvant atteindre 1 500 € et l’immobilisation du véhicule ». Parmi les mesures concernant la sécurité, le gouvernement renforcerait sa communication sur le port des gants et prévoirait une adaptation du permis voiture pour y intégrer « la p
roblématique de la sécurité des deux-roues ». Enfin, le gouvernement dit vouloir renforcer « le dispositif de signalisation des angles morts des véhicules lourds ». Ce dispositif alternatif a été présenté le 25 novembre 2021 aux fédérations de motards, selon le ministère qui ajoute que les mesures seront soumises dans les jours à venir à la Commission européenne. Sauf que ces mesures n’ont pas été traduites dans les faits, le ministère français des Transports n’ayant pas produit les décrets d’application.

Le 17 mai 2022, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt instaurant une entrée en vigueur au 1er octobre 2022. Saisie par trois associations écologistes qui contestaient le calendrier d’entrée en vigueur du contrôle technique des deux-roues motorisés que le Gouvernement a fixé au 1er janvier 2023, la plus haute juridiction de la justice administrative en France a observé que ce contrôle est imposé par le droit européen depuis le 1er janvier 2022. Selon le texte de la décision, le gouvernement français n’a ni renoncé à tout contrôle technique, contrairement à ce qu’il avait annoncé, ni mis en œuvre de mesures de sécurité alternatives qui pourraient, en vertu du droit européen, justifier d’y déroger, puisqu’il s’est borné à annoncer le projet de telles mesures. Le juge des référés a estimé que, compte tenu du délai nécessaire pour la mise en œuvre matérielle du contrôle technique, un report de l’entrée en vigueur pour les véhicules les plus anciens n’est pas justifié au-delà du 1er octobre 2022.

Sauf que… un nouveau décret du 25 juillet 2022 supprime le contrôle technique moto, avant même sa mise en application. Ce texte supprime en effet l’obligation d’un contrôle technique des véhicules à moteur à deux ou trois roues et des quadricycles à moteur (catégories L). Au bout d’un an d’atermoiements, le gouvernement supprime cette obligation qu’il s’était imposée en août 2021 et pourra déployer quelques mesures alternatives lui permettant de satisfaire la Commission européenne.

Illustration absurde de cet imbroglio juridique : deux jours plus tard, le 27 juillet 2022, le Conseil d’État a jugé illégaux le report à début 2023, ainsi que la suspension du CT moto. Plus précisément, le Conseil d’État juge illégale la date d’entrée en vigueur du contrôle technique des deux-roues. Mais la décision du Conseil d’État tombe « dans le vide » et ne changera rien, puisque le dernier décret ministériel va encore plus loin que le report et la suspension : il supprime toute obligation de contrôle technique des deux-roues, en abrogeant le décret du 9 août 2021.

Le 26 juillet 2022, l’actuel ministre des Transports, Clément Beaune, a assuré assumer les engagements annoncés autour de la sécurité routière des motards :

  • communiquer davantage sur le port obligatoire d’équipements de sécurité,
  • améliorer les infrastructures,
  • mener une réforme du permis de conduire,
  • renforcer les normes d’homologation
  • multiplier les campagnes de sensibilisation.

Fin du feuilleton ? Sans doute… jusqu’au prochain épisode !

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En quoi consisterait le CT moto ?

En l’absence de texte clair et définitif, tous ces points sont sujets à caution et sont à prendre au conditionnel.

Le contrôle technique des deux-roues et trois-roues motorisés, plus généralement des véhicules de catégorie L, serait être mis en place selon l’année d’immatriculation du véhicule et sa cylindrée.

Quels seraient les 2RM concernés ? Des éléments connus à l’heure actuelle, ce CT concernerait les motos et scooters de 125 cm3 et plus, ainsi que tous les scooters à trois roues, les quads et les voiturettes sans permis. Mais pas les cyclomoteurs (scooters et motos 50 cm3), alors que ce sont les véhicules les plus modifiés, « trafiqués », et les plus bruyants.

Lorsque le gouvernement avait publié son décret d’août 2021, celui-ci citait l’ensemble des véhicules deux-roues à moteur, y compris les cyclos. Autre point important, à partir de quelle date d’immatriculation ? Le décret de 2021 prévoyait que seuls les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016 sont concernés dans un premier temps. L’exécutif restera-t-il sur cette ligne ?

A partir de combien d’années de circulation serait mis en place ce contrôle technique ? La logique voudrait que ce soit comme pour les voitures, c’est-à-dire le premier au bout de quatre ans, puis tous les deux ans. Et ce même si le kilométrage annuel moyen des 2RM est environ trois fois inférieur à celui des automobiles.

Qui effectuerait ce contrôle technique ? Après bien des discussions, il semble que l’on s’achemine vers des centres agréés spécifiques de CT pour les deux-roues – qu’il faut créer, équiper en matériels adéquats et fournir en main-d’oeuvre qualifiée et formée, avec des contrôleurs techniques titulaires du permis moto… Les centres de contrôles seront-ils prêts pour le 1er octobre prochain ? D’ici à cette date, ces établissements devront tous être équipés et leurs personnels intégralement formés à cette nouvelle tâche. Rien n’est moins sûr.

Il est un autre élément à prendre en compte avant de contrôler environ deux millions de véhicules supplémentaires : il manque déjà environ 1.000 contrôleurs, rien que pour les véhicules légers. La France a en effet décidé assez récemment de n’autoriser que les seuls titulaires d’un Bac professionnel en maintenance automobile à devenir contrôleur technique. Une décision qui a amplifié le phénomène de sous-effectif dans les centres, qui existait déjà auparavant.

Sans compter un problème auquel très peu de gens ont pensé : la plupart des futurs contrôleurs techniques ne possèdent pas le permis moto. Ils vont devoir l’obtenir dans les mois qui viennent, mais il s’agira du permis A2, qui ne donne pas le droit de conduire les motos de plus de 47,5 chevaux. Ils risquent de ne pas pouvoir prendre en charge les motos de catégorie A…

En quoi consisterait ce CT 2RM ? Selon des professionnels du secteur du contrôle technique, le CT moto et scooter pourrait se décomposer de la sorte :

  • environ 40 points de contrôle visuel,
  • environ 30 d’entre eux seraient soumis à une contre-visite,
  • quelques points de contrôle pourraient entraîner l’obligation d’une réparation immédiate.

Comme pour le contrôle technique des automobiles, le CT moto porterait sur des points de sécurité : éclairage, adhérence au sol (pneus), freins, visibilité…

Si la directive européenne de 2014 encourage les Etats membres à s’organiser pour contrôler les motos, elle ne dit rien sur les points à vérifier sur ces engins. Faut-il uniquement s’occuper des émissions polluantes et du bruit, comme le voudrait l’administration française ? Faut-il au contraire aller bien plus loin dans la technique et la sécurité, et vérifier le bon alignement du cadre, le bon état des freins, des suspensions etc. ? Tout ceci reste à débattre et à écrire à ce jour.

A quel prix ? Si on se base sur ces élements, le CT moto devrait coûter entre 50 et 80 euros par visite. Mais le modèle de moto, ainsi que le choix du centre de contrôle technique réalisant l’opération, peuvent faire fluctuer ce prix.

Quelles sanctions en cas de non-respect ? Il est probable (mais pas acquis) que les sanctions pour défaut de certificat de CT seront les mêmes que pour les voitures : amende de 135 euros et immobilisation du véhicule.

Au delà du débat de principes, ce sont avant tout les modalités réelles et concrètes de mise en œuvre du
CT moto qui feront que cette mesure aura ou non un résultat positif, sera ou non une véritable utilité pour la sécurité routière des motards et apportera ou pas la sérénité d’achat des acheteurs de véhicules d’occasion.

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Quels sont les éléments du débat ?

La polémique autour du CT moto a commencé en France avec le rapport de Dominique Lebrun, du Conseil général des Ponts et Chaussées, intitulé : « les conditions de mise en place d’un contrôle technique des deux-roues motorisés ».

En l’absence d’étude spécifique aux 2RM, ce rapport de 2007 s’appuyait sur l’expérience acquise dans le contrôle technique des véhicules automobiles pour étudier la possibilité d’étendre cette mesure aux deux-roues motorisés.

Il conclut qu’un contrôle technique pour les deux roues motorisés pourrait s’avérer utile pour trois raisons principales :

  1. l’état du parc, et en particulier celui des cyclomoteurs. Si, comme pour les véhicules automobiles, le lien de causalité avec l’accidentologie est difficile à établir, on peut aussi penser qu’un véhicule en bonne santé offre plus de sécurité qu’un véhicule mal entretenu. Par ailleurs, l’absence de la protection d’une carrosserie ou d’un pare-choc fait que toute altération mécanique peut avoir des conséquences encore plus graves pour un deux-roues que pour un véhicule de tourisme.
  2. le débridage et le non-respect de certaines règles élémentaires du Code de la Route provoquent des nuisances sonores et atmosphériques mal acceptées et nuisibles pour l’image de marque du secteur.
  3. le marché de l’occasion, qui représente plus de 50 % des achats de deux-roues, doit offrir les mêmes garanties et protections que celles offertes à l’ensemble des particuliers souhaitant acquérir un véhicule d’occasion.

Si l’instauration d’une telle mesure se justifie globalement, précise l’auteur du rapport, la décision risque toutefois de provoquer de vives oppositions de ceux qui refusent tout contrôle administratif supplémentaire, ceux qui doutent de son efficacité compte tenu de la spécificité de ces véhicules, mais aussi de ceux qui pensent qu’elle touchera une majorité d’usagers à faible pouvoir d’achat. Déjà en 2007, tout est dit…

Les arguments des partisans du CT moto

Ils affirment qu’il existe un lien entre la gravité des accidents et l’ancienneté des véhicules.

« Il est prouvé empiriquement que, entre cinq et six ans d’âge, le nombre d’accidents graves (mortels) dus à des défaillances techniques augmente notablement », indique la Commission européenne de Bruxelles.

Elle assure notamment que 8% des accidents impliquant des motos sont causés par des défaillances techniques. Ce chiffre est toutefois sujet à caution car tiré d’une étude financée en partie par Dekra, acteur important du contrôle technique.

Les arguments des opposants au CT moto

Ils s’appuient principalement sur l’étude MAIDS (« Motorcycle accidents in-depth study »), publiée en 2004, conduite par des scientifiques de cinq pays (dont, en France, le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques, CEESAR) et financée principalement par les constructeurs de deux-roues à moteur (Association des constructeurs européens de motocycles, ACEM), avec la Commission Européenne.

Sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et d’Espagne, cette étude montre que l’âge du véhicule n’est la « cause primaire » des accidents impliquant un 2RM que dans 0,3% des cas. Il constitue un « facteur contributif » dans 5% des cas. Elle note, entre autres, que la principale cause de défaillance technique tient à l’usure des pneus.

Deux des cinq pays étudiés (la France et les Pays-Bas) font partie des États-membres de l’UE qui n’ont pas mis en place de contrôle technique sur les motos et les scooters. Les trois autres pays étudiés (Allemagne, Italie, et Espagne) ont mis en place un CT moto.

Il convient de souligner que l’ACEM ne peut être suspectée de vouloir minorer l’impact des défaillances techniques, puisqu’elle s’est elle-même déclarée favorable à l’introduction des contrôles techniques, souhaitée par les concessionnaires.

De façon générale, aucun lien ne peut être établi entre une réduction du nombre d’accidents et l’introduction du contrôle technique sur les motocycles. L’Espagne, l’Italie, la Suède ou la Slovénie, qui ont introduit ces contrôles techniques, ont même connu une augmentation du nombre de motards tués ces dernières années. Le cas de l’Italie est d’autant plus troublant que le nombre de motos et de scooters en circulation a baissé ces dernières années.

Dernier argument, les adversaires du CT moto soulignent que les 2RM sont dans leur ensemble en meilleur état que les voitures. Les statistiques du Comité international de l’inspection technique automobile (CITA), dans son « Étude sur les possibilités de renforcement du contrôle technique dans l’Union européenne ». font apparaître un taux d’altérations soumises à contre-visite de l’ordre de 10% en moyenne pour les 2RM, contre 20% pour les voitures de tourisme.

Consultez le site de la FFMC contre le CT moto.